Dans un précédent épisode, nous avons eu l’occasion d’expérimenter la défusion cognitive. Cet exercice pratique a permis de constater qu’elle consistait en un véritable travail de déconstruction du langage.
« Les circonstances n’ont pas le pouvoir de nous rendre heureux ou malheureux autant que nous le croyons, mais l’anticipation des circonstances à venir dans notre imagination à un pouvoir immense. » Hugo Von Hofmannsthal
Passé Futur
Dans cette présente dimension, nous allons examiner le « rapport au temps ». Nous trouvons « du côté obscur de la force » une propension à porter son attention sur le passé ou le futur. Ce penchant s’exprime, entre autres, chez l’individu par la rumination, l’inquiétude, une tendance à l’organisation ou la planification, une vigilance accrue et une certaine distraction.
Au niveau du vécu, ce regard tourné vers le « non-maintenant » peut se concrétiser des manières suivantes :
« Dans le quotidien, je repense souvent, coupable, à tout ce que je n’ai pas fait ou mal, je me projette avec inquiétude dans la prochaine réunion, je m’inquiète des réactions futures de mes collègues, je réinterprète les paroles passées de proches ou d’amis, je rejoue intérieurement mille et une fois le même scénario,… Je lutte, je lutte, je lutte,…
Pendant ce temps, je ne profite pas de mes soirées, j’oublie d’envoyer des mails, je suis moins attentif avec mes enfants, je n’arrive plus à me concentrer sur secret story (mon émission préférée),… »
Instant Présent
Le contact avec l’instant présent consiste à diriger l’attention du client sur ce qui l’entoure, sur ce qui se déroule au fur et à mesure dans l’ici et maintenant, aussi bien au niveau de son environnement que des de ses évènements psychologiques (pensées, émotions, sensations). En ne se laissant plus entraîner par le flot de pensées, le patient peut, pas à pas, se remettre en contact avec le moment présent.
L’objectif est donc de guider et ramener les patients dans l’ici et maintenant. Cette démarche permettra de d’amoindrir progressivement l’emprise des règles verbales et des conceptualisations du passé (ruminations…) ou du futur (anticipations…). Le client deviendra alors (à nouveau) plus sensible à la conséquence de ses comportements en situation de vie. Il pourra mieux discerner leur efficacité au sein d’actions menées dans le quotidien… Dans cette optique, on utilise souvent des techniques de pleine conscience pour développer cette habileté.
Les exercices utilisés au sein de la dimension Passé Futur / Instant Présent vont généralement amener le patient à porter son attention sans jugement sur le moment présent. Habituellement assis et les yeux clos, on l’invite à centrer son observation sur les sensations et les pensées. Le but est, avec douceur, de ramener inlassablement l’attention sur les perceptions directes.
Ce lien avec l’instant présent répond aux nécessités de deux fonctions particulièrement importantes dans l’ACT : favoriser l’acceptation des émotions et accroître les zones de contact avec les valeurs.
Cette pratique se fera en séance avec le thérapeute et chez soi, de manière répétée, avec un support enregistré ou non. La durée de l’exercice est variable de quelques secondes à quelques dizaines de minutes.
Il existe de nombreux exercices qui permettent de travailler au sein de cette dimension, tels que la douche en pleine conscience, le balayage corporel, les pensées comme des feuilles qui flottent sur une rivière,…
La métaphore du GPS constitue une bonne introduction à cette facette importante. Elle attire l’attention sur l’importance d’être centré sur l’instant présent, la route et le chemin, et ne pas faire nécessairement confiance à 100 % au GPS. En effet, même si celui-ci est souvent très fiable, à l’instar des pensées, il ne peut être considéré comme la seule source d’information : l’attention sur l’environnement de roulage est indispensable. Elle permet de s’ajuster et de trouver des alternatives en cas de déviation ou de travaux.
Un exercice très simple et efficace, qui peut s’accomplir avec la seule participation d’un de vos bras (observer la pensée qui naît à la lecture de ces mots) permet de repérer lorsque notre pensée nos entraîne vers le passé ou le futur.
« Vous allez proposer au patient de tendre son bras vers l’avant et ensuite de replier l’avant-bras jusqu’à obtenir un angle droit. Cette position correspond aux cognitions qui se rapportent à l’instant présent. Lorsque des évènements internes faisant références au futur apparaissent, la consigne est de basculer le bras vers l’avant. A contrario, les pensées liées au passé vont entraîner la flexion vers l’arrière. Le patient va effectuer cet exercice durant plusieurs minutes. Au fur et à mesure du flot de pensées le bras oscillera d’avant en arrière en fonction de l’orientation temporelle des pensées »
Cet exercice est très utile pour les patients à propension anxieuse qui fonctionnent par anticipation, ils observeront souvent dans leur expérimentation le bras penché vers l’avant. Les « ruminateurs » aussi trouveront leur compte dans cet exercice avec un bras résolument tiré vers l’arrière. Le travail physique concomitant augmente la focalisation du patient sur l’exercice lui-même.
photo credit ( http://www.flickr.com/photos/h-k-d/3434240846/sizes/z/in/photostream/ )